Il aura fallu plusieurs générations et de trop nombreux récits tragiques de souffrance pour les adolescents, mais je pense que nous pouvons désormais affirmer que la société a enfin compris que le harcèlement était un problème qui exigeait que l’on y prête attention et que l’on y réponde. Maintenant, il est assez rare d’entendre une personne proclamer que le harcèlement n’est qu’un simple « rite de passage » ou une partie justifiable de la vie des adolescents, même si cette explication pouvait souvent être donnée autrefois.
Pourtant, même si notre société a fait de grands progrès en nous éclairant sur les conséquences potentielles du harcèlement, nous nous sommes battus pour définir plus clairement ce qu’est le harcèlement. Par exemple, si je vous insulte, juste une fois, est-ce du harcèlement ? Que se passe-t-il si je publie ces insultes en ligne pour les autres puissent voir mon message et le partagent partout sur les médias sociaux ? Ou si votre meilleur ami vous insulte de la même façon mais que tous deux, vous en plaisantez ? Dans chacun de ces cas, le comportement est exactement le même. Mais est-ce du harcèlement ?
Tout comme d’autres concepts informes, on pourrait prétendre que le harcèlement se définit facilement car « nous le reconnaissons lorsque nous le voyons. » Et souvent, en effet, le harcèlement est facile à repérer. Mais cette perspective est bien inutile quand il s’agit de prévenir ces comportements. Et tout autant les responsables d’établissements scolaires, les législateurs que les autorités doivent clairement définir le harcèlement d’une manière compréhensible pour les victimes mais également pour que les autorités puissent l’empêcher. Il y a là un problème : l’expérience de chacun face au harcèlement est différente. C’est de plus en plus vrai car la technologie devient un des nouveaux outils du bourreau.
Harcèlement ou autres comportements nuisibles : l’importance de la répétition et de l’intention
Au Centre de recherche de cyber-harcèlement, nous définissons le cyber-harcèlement comme un « dommage volontaire et répété infligé par l’utilisation d’ordinateurs, de téléphones portables ou d’autres appareils électroniques ». Cette définition est basée et comprend des éléments communs à la définition acceptée de longue date du harcèlement traditionnel. Nous parlons de comportements délibérés, se reproduisant au fil du temps et entraînant (ou étant susceptibles d’entraîner) une nuisance.
Même si cette définition peut exclure certaines formes spécifiques de relations interpersonnelles mal dirigées envers des pairs telles que des incidents ou des événements isolés, elle nous aide à distinguer le harcèlement des autres comportements blessants. Après tout, nous ne pouvons pas qualifier tous les problèmes entre pairs « harcèlement ». Le terme « harcèlement » connote certaines choses et peut exiger des actions spécifiques formelles par les écoles, c’est pourquoi ce terme doit uniquement être utilisé lorsque cela est approprié.
Les deux éléments qui différencient le harcèlement des autres comportements blessants sont plus clairement la répétition et l’intention (et à certains égards, elles vont de pair). Si je tombe accidentellement sur vous dans le couloir, par exemple, presque tout le monde serait d’accord pour dire que ce n’est pas du harcèlement (même si vous êtes gravement blessé). De la même manière, si je vous donne une fois un coup dans le visage, seule et unique fois, ce n’est pas non plus du harcèlement. (C’est peut-être l’agression et je devrais probablement être puni pour cela, mais ce n’est pas du harcèlement.) Le harcèlement est une forme spécifique et unique de comportement nuisible dans le fait qu’il crée une inquiétude presque constante chez la cible pour laquelle une nouvelle attaque semble toujours imminente. Sans répétition, ou au moins une menace explicite de répétition, nous ne sommes pas en présence de harcèlement.
Certains ont fait valoir qu’il était difficile, sinon impossible, de pénétrer à l’intérieur de l’esprit d’un adolescent afin de déterminer son intention. Une façon de le savoir est d’observer ce qui se passe après qu’un adolescent a été confronté à un comportement nuisible. Si les comportements continuent même après informé l’agresseur que son acte était blessant, son intention de nuire est alors établie. Cela dit, la répétition en soi ne signifie pas automatiquement un comportement de harcèlement. Je pourrais vous faire ou vous dire quelque chose plusieurs fois, mais à moins que je ne le fasse avec l’idée de vous nuire en tête ou en sachant que cela vous fera du mal, ce n’est pas du harcèlement. La répétition et l’intention sont les deux composantes nécessaires pour qu’un comportement soit qualifiable de harcèlement.
Votre enfant est-il victime de harcèlement ?
Certains pourraient également objecter qu’un acte soit considéré ou non comme du harcèlement ne relève pas de l’observateur. Si vous estimez être victime de harcèlement, c’est qu’il s’agit de harcèlement, c’est aussi simple que cela. Mais nous ne pouvons pas uniquement compter sur les opinions subjectives. Différentes personnes sont affectées différemment par différentes expériences. Si une chose est blessante pour une certaine personne, décider si cela est ou non du harcèlement doit être jugé selon certains critères objectifs.
Si vous soupçonnez que votre enfant (ou qu’un étudiant ou un ami) est victime de harcèlement, en ligne ou dans la vraie vie, voici quelques questions à poser pour l’aider à diagnostiquer la situation :
- Depuis combien de temps ce comportement dure-t-il ? À quelle fréquence les actes méchants se produisent-ils ?
- La victime a-t-elle dit à la ou aux personne(s) ayant ce comportement que cela lui faisait de la peine ou a-t-elle demandé d’arrêter ? Une personne raisonnable penserait-elle que ces comportements sont blessants ?
- La victime a-t-elle répondu des choses méchantes ?
- La victime pense-t-elle que la/les personne(s) qui font ou disent des choses méchantes essaient sciemment de les blesser ?
Il est important de noter que si une victime qui ne demande pas à son agresseur d’arrêter, cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas victimes de harcèlement. S’ils l’ont fait, cependant, cela apporte d’autant plus la preuve que celui qui harcèle tente délibérément de blesser. De même, de nombreux adolescents répondent presque instinctivement au harcèlement en se défoulant contre celui qui harcèle (en disant ou en faisant des choses blessantes envers eux). Ce n’est jamais une bonne idée, bien sûr, car cela peut ressembler davantage à une bagarre ou à un désaccord, plutôt qu’à du harcèlement. Il peut également être difficile de prouver qui a commencé. Malgré cela, bien que la victime se venge, cela ne signifie pas que l’incident ne relève pas du harcèlement. De plus amples informations sont nécessaires pour déterminer exactement comment l’incident a commencé et pour établir qui a fait quoi et quand.
Le harcèlement est une expérience bien trop courante pour les jeunes aujourd’hui. Cela peut se produire à peu à tout moment lorsqu’ils se rassemblent, y compris dans les cours d’école et sur les sites sociaux. Les parents, les éducateurs et d’autres adultes travaillant avec les jeunes devraient maintenir favoriser un dialogue ouvert avec les enfants afin que ces derniers se sentent en sécurité lorsqu’ils rencontrent des problèmes avec leurs pairs (en ligne ou dans la vraie vie). Cela devrait permettre aux adultes d’intervenir afin d’empêcher le harcèlement avant qu’il ne se transforme en une autre histoire tragique.
Vous pouvez découvrir certains signes avant-coureurs indiquant que votre adolescent pourrait être impliqué dans du cyber-harcèlement ici.